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16 mars 2021

Me Mathieu Desjardins

Avocat

Également connu sous l’appellation simplifiée « hypothèque de la construction », l’hypothèque légale en faveur des personnes ayant participé à la construction ou à la rénovation d’un immeuble est pour certain une mesure de protection ultime et pour d’autre une crainte sans nom. Il faut comprendre que la loi permet aux personnes morales ou physiques ayant participé à la construction ou à la rénovation d’un immeuble de s’assurer de recevoir paiement des matériaux, temps et services qu’ils ont incorporés dans ledit immeuble.

L’article 2726 du Code civil du Québec définit le modus operandi de ce type d’hypothèque légale :

« 2726. L’hypothèque légale en faveur des personnes qui ont participé à la construction ou à la rénovation d’un immeuble ne peut graver que cet immeuble. Elle n’est acquise qu’en faveur des architectes, ingénieurs, fournisseurs de matériaux, ouvriers, entrepreneurs ou sous-entrepreneurs, à raison des travaux demandés par le propriétaire de l’immeuble, ou à raison des matériaux ou services qu’ils ont fournis ou préparés pour ces travaux. Elle existe qu’il soit nécessaire de la publier. »

L’hypothèque existe et subsiste jusqu’au trentième (30e) jour suivant la date de la fin des travaux. Suite à la fin de ce délai, l’article 2727 du Code civil du Québec précise qu’un avis doit être inscrit au Registre foncier du Québec pour s’assurer de la conservation de la sûreté que constitue l’hypothèque légale.

La question qui sera entretenue dans cette courte chronique vise spécifiquement l’avis d’hypothèque de la construction, mais plus précisément les obligations de forme que celle-ci doit prendre. La jurisprudence a grandement encadré l’émission et la validité de tel avis d’hypothèque légal, de telle sorte qu’il n’est pas rare de voir certains entrepreneurs ayant eux-mêmes procédé à la publication de leur propre avis d’hypothèque légale se voir refuser la validité de leur sûreté. Certains professionnels sont également victimes de ce rigorisme formaliste.

Il est donc bien établi que pour qu’une hypothèque légale de la construction soit valide, il est primordial que les formalités et le contenu entourant l’avis d’hypothèque aient été rencontrés. Il s’agit dès lors d’une mesure absolument nécessaire à la conservation du droit à la garantie accordée par la loi. Ce formalisme peut d’autant plus se complexifier lorsque la construction visée par l’hypothèque légale est un ensemble de condominiums.

Mis à part le délai de 30 jours qui doit être respecté – délai qui pourra être le sujet d’une prochaine chronique considérant les subtilités entourant le concept de « date de fin des travaux » - l’avis doit respecter deux obligations de forme : la description de l’immeuble et préciser le montant de la créance. Ces obligations découlent du texte de l’alinéa deux (2) de l’article 2727 du Code civil du Québec :

« Elle (l’hypothèque légale) est conservée si, avant l’expiration de ce délai, il y a eu inscription d’un avis désignant l’immeuble grevé et indiquant le montant de la créance. Cet avis doit être signifié au propriétaire de l’immeuble. »

La description de l’immeuble est à l’effet qu’une hypothèque légale ne peut grever qu’un immeuble à la fois, sauf si l’on se retrouve en présence d’une unité d’exploitation. Pour être qualifié d’unité d’exploitation, il est nécessaire de respecter certains critères, dont notamment le fait que les immeubles visés soient construits sur des lots contigus distincts, mais qu’ils ne soient séparés que par un mur mitoyen, de sorte qu’ils semblent, aux yeux d’un observateur ordinaire, ne constituer qu’une seule unité d’exploitation. Il semble donc que dans la majorité des cas, un groupement de condominiums puissent être considérés comme une unité d’exploitation. Ce critère de l’existence d’une seule unité d’exploitation doit être apparemment rempli lors de l’inscription de l’avis d’hypothèque légale.

Dans l’optique où l’immeuble visé par la créance est une unité d’exploitation, l’avis d’hypothèque légale pourra viser les lots précis où des travaux ou des matériaux furent effectués. Si les travaux furent effectués ou les matériaux utilisés dans des parties dites communes, l’hypothèque légale pourra viser l’ensemble des unités de condominium.

Au sujet du montant de la créance, il n’est plus obligatoire de dresser un état de la créance. Il faut cependant que l’avis soit exempt de fausse déclaration. Seul le montant global de la créance de l’intervenant doit figurer dans l’avis d’hypothèque.

Il faut cependant préciser qu’en présence d’une unité d’exploitation, le montant de la créance doit être ventilé entre chaque immeuble. À défaut, l’hypothèque sera frappée de nullité. Cependant, lorsque les travaux de l’intervenant visaient des parties communes, après la déclaration de copropriété, celui-ci peut inscrire pour chaque fraction le plein montant de la créance qu’il détient. Il faut cependant faire une distinction entre une hypothèque légale qui naît avant l’inscription de la déclaration de copropriété et celle qui naît après cette inscription. Dans l’optique où l’hypothèque légale de la construction est née après la déclaration de copropriété, celle-ci ne pourra pas être divisée selon l’article 1051 du Code civil du Québec et il appartiendra au bénéficiaire de faire la ventilation, dans l’avis d’hypothèque légale, de la plus-value donnée à chaque unité par les travaux. En l’absence d’une telle ventilation ou d’informations suffisantes et précises, l’avis pourra être déclaré nul. Cependant, et il s’agit d’une autre exception, une telle ventilation ne doit pas être requise lorsque le bénéficiaire de l’hypothèque légale a construit lui-même et entièrement ses unités puisque, dans ce cas, la plus-value est facile à déterminer, elle sera la valeur marchande de l’unité.

Il semble donc que le créancier doit, à moins de se retrouver dans l’une des exceptions précisées par la jurisprudence, attribuer à chaque immeuble une part dans la créance qui correspond au coût des travaux exécutés.

Dans l’optique où vous désirez faire valoir une telle sûreté, nous vous invitons à consulter l’un de nos avocats pour vous assurer de la conformité de votre avis d’hypothèque légale. Il serait dommage de se passer d’un tel outil pour faire valoir ses droits de créance!


Au plaisir de vous conseiller,

Me Mathieu Desjardins