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22 février 2021

Me Marie-Christine Lévesque

Avocate

Avec la multiplication des recours en vices cachés au cours des dernières années, cette question s’avère d’autant plus pertinente. Somme toute, est-il obligatoire, au Québec, de procéder à une inspection préachat avant d’acquérir un immeuble? En outre, pour avoir éventuellement un recours en vices cachés contre les anciens propriétaires de l’immeuble, devez-vous nécessairement avoir procédé à une inspection préachat?

La réponse à ces questions est non. Bien qu’elle soit fortement recommandée, notamment par l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ), l’inspection préachat n’est toutefois pas obligatoire, au Québec, avant l’acquisition d’un immeuble. Le choix de procéder ou non à une inspection préachat revient donc à l’acheteur.

Cela étant, avant même l’idée d’un éventuel recours en vices cachés, l’inspection préachat vous permet certes de réduire les risques liés à l’état passé et l’état actuel de l’immeuble que vous souhaitez acquérir. En effet, un inspecteur préachat possède généralement les connaissances suffisantes pour faire un examen sommaire et attentif de l’immeuble. Il saura, en principe, relever les indices apparents de vices et, dans certaines circonstances, s’il soupçonne un vice plus grave ou sérieux, il saura vous recommander à un expert pertinent.

Pour ce qui est de préserver vos droits à un éventuel recours en vices cachés, la jurisprudence a maintes fois réitéré que l’inspection préachat n’était pas une condition indispensable pour faire valoir la garantie légale de qualité. Cette règle a même été codifiée à l’article 1726 du Code civil du Québec, lequel se libelle ainsi :

1726. Le vendeur est tenu de garantir à l’acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l’usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l’acheteur ne l’aurait pas acheté, ou n’aurait pas donné si haut prix, s’il les avait connus.

Il n’est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l’acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert. [nos soulignements]

En réalité, pour se prévaloir de la garantie légale contre les vices cachés, quatre conditions doivent être respectées [1] :


  • L’immeuble doit être affecté d’un vice grave;
  • Le vice devait exister au moment de la vente;
  • Le vice doit être caché, condition qui s’évalue objectivement et qui est accompagnée d’une obligation de s’informer;
  • Le vice doit être inconnu de l’acheteur, condition qui s’évalue subjectivement.


Eu égard à la troisième condition, la jurisprudence édicte que le vice qui est caché est un vice que l’acheteur raisonnablement prudent et diligent n’aurait pas constaté. Encore une fois, il s’agit d’une norme objective. Or, pour être qualifié comme étant un acheteur prudent et diligent, l’acheteur doit faire un examen visuel, sommaire et attentif de l’immeuble. Si l’immeuble fait état d’un indice permettant de soupçonner l’existence d’un vice potentiel, l’acheteur prudent et diligent, qui n’a alors pas fait appel à un expert ou inspecteur, doit le faire ou vérifier autrement et de façon satisfaisante ce qui est suspect   [2]. De ce fait, en présence d’un signe annonciateur, l’acheteur doit pousser son examen, en recourant, dans certains cas, à un expert ou inspecteur. 

En somme, dans certaines circonstances, l’acheteur qui agit seul n’a pas les connaissances suffisantes pour effectuer et compléter un examen selon la norme d’un acheteur prudent et diligent. Dès lors, s’il omet de requérir de l’aide, il pourra ne pas satisfaire à la notion d’acheteur prudent et diligent et, par le fait même, à la troisième condition nécessaire à tout recours en vices cachés.

Vu ce qui précède, nous vous suggérons fortement de procéder à une inspection préachat avant d’acquérir une propriété, surtout que les coûts d’une telle inspection sont généralement peu élevés. Nous vous conseillons néanmoins de bien choisir votre inspecteur préachat et, idéalement, de vous assurer que l’inspecteur mandaté est couvert par une assurance responsabilité.

 

Au plaisir de vous conseiller,

Marie-Christine Lévesque, avocate.

   


 

 


[1] Leroux c. Gravano, 2016 QCCA 79, paragraphe 40.


[2] St-Louis c. Morin, 2006 QCCA 1643.