Ratelle | Joliette & Repentigny
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9 février 2021

Me Simon-Pierre Daviault

Avocat

Me Clémence Joly-Théorêt

Avocate

Me Jean-François Lambert

Avocat, médiateur et arbitre accrédité en matière civile

Me Marie-Christine Lévesque

Avocate

Me Geneviève Perrin

Avocate

Vous venez de prendre possession de votre nouvelle propriété et vous entamez des rénovations dans votre demeure. Comble de malheur, au cours de vos travaux de dégarnissage, vous croyez tomber sur un vice caché. Quelles sont les prochaines étapes? Notre équipe répond à dix grandes questions à ce sujet.


Puis-je faire les travaux sans aviser mon vendeur?

Non. L’acheteur qui pense être en présence de vices cachés affectant l’immeuble dont il est propriétaire ne doit pas effectuer de travaux avant d’en avoir avisé son vendeur. Si l’acheteur fait la découverte de vices alors qu’il effectuait des travaux de rénovation sur l’immeuble, il doit arrêter ces travaux immédiatement. Il est recommandé de prendre des photos, dès la découverte de vices.

En effet, il doit donner l’occasion au vendeur de constater lui-même les lieux tels qu’ils étaient lors de la découverte des vices et/ou des dommages.  L’acheteur doit également donner l’opportunité au vendeur de procéder aux travaux correctifs, à ses frais.

Le Code civil du Québec [1], exige que l’acheteur dénonce les vices par écrit, au vendeur et lui permette de venir constater ces vices et dommages qui lui ont été dénoncés, dans un délai raisonnable, au moment de leurs découvertes. L’avis de dénonciation peut être envoyé par voie de courriel électronique, par fax, par courrier recommandé ou encore, par lettre envoyée par huissier. Il est important de s’assurer que le vendeur a bien reçu l’avis de dénonciation. À ce sujet, il est recommandé de conserver la preuve de réception de cet avis. 

Même après avoir dénoncé, par écrit, au vendeur, l’acheteur ne peut pas effectuer les travaux, tant que le vendeur n’aura pas eu l’occasion de venir sur place afin de constater lui-même les vices et ou de les faire expertiser par un expert de son choix. L’acheteur doit permettre au vendeur ou à son expert de visiter l’immeuble et d’observer les vices ou dommages allégués dans un délai raisonnable.


Qu’en est-il si des travaux urgents sont nécessaires?  

Certaines exceptions permettent de dispenser l’acheteur d’envoyer un avis de dénonciation au vendeur. L’une de ces exceptions est l’urgence. En effet, si des travaux urgents sont nécessaires, l’acheteur peut être libéré de son obligation de dénoncer, par écrit, l’existence de vices cachés au vendeur. Certains acheteurs ont tendance à interpréter largement la notion d’urgence. Ce qu’un acheteur pourra considérer comme étant « urgent » ne le sera pas nécessairement par un Tribunal. Or, tout n’est pas urgent. Ainsi, l’acheteur doit être très prudent dans l’appréciation de cette notion d’urgence.

Par « travaux urgents ». on entend des situations qui comportent un élément de danger, un risque de détérioration du bien ou un risque de perte du bien qui nécessitent une réparation immédiate. À ce sujet, la jurisprudence est claire, pour qu’il y ait urgence, que l’immeuble soit en péril ou représente un danger en soit  ou pour ses occupants. [2] La notion d’urgence s’évalue à la lumière des faits et des circonstances de chaque affaire. 

Si l’acheteur interprète de manière trop large la notion d’urgence, c’est-à-dire, qu’il effectue des travaux correctifs sans avoir avisé son vendeur et sans lui avoir préalablement donné l’opportunité d’observer les vices allégués, cela pourrait être fatal à un éventuel recours contre son vendeur.


Quelle est la différence entre un avis de dénonciation et une mise en demeure et à quoi servent-ils?

Le Code civil prévoit l’obligation d’aviser rapidement son vendeur lors de la découverte d’un vice caché. Cet avis doit être transmis « dans un délai raisonnable ». Le caractère raisonnable du délai peut varier d’une situation à l’autre. Dans tous les cas, mieux vaut aviser son vendeur le plus vite possible. C’est ce qu’on appelle l’avis de dénonciation. Il vise donc à permettre au vendeur de se présenter sur les lieux, avant que des travaux ne soient exécutés, sauf les travaux urgents, et de constater les dommages allégués. Le vendeur pourra également, s’il le souhaite, s’y présenter avec un expert qui rendra une opinion sur la nature et la cause du vice. C’est donc une occasion de documenter le dossier, de part et d’autre.

En principe, et à moins de communications particulières à l’effet contraire entre un vendeur et son acheteur, une fois le délai de l’avis de dénonciation expiré, l’acheteur peut procéder aux travaux correctifs qu’il juge appropriés et le vendeur ne pourra pas se plaindre d’avoir été empêché de constater la situation par lui-même avant que les travaux ne soient exécutés. Il faut toutefois s’assurer de laisser au vendeur un délai raisonnable pour se présenter sur les lieux. À moins d’urgence, un délai de 10 jours est généralement considéré comme raisonnable. Par contre, en certaines circonstances, comme lorsqu’il est urgent de procéder aux travaux, un délai de 5 jours peut également être jugé pertinent. Toutefois, l’acheteur aura alors à démontrer que ce délai était effectivement raisonnable dans ces circonstances particulières.

Quant à la mise en demeure, elle vise à aviser le vendeur, une fois les travaux effectués ou sur la base de soumissions, de la somme qui lui sera véritablement réclamée en raison de la découverte de vices cachés ou sur la base de fausses représentations de sa part. 

La mise en demeure est également favorisée par le Code de procédure civile qui invite les justiciables à tenter d’abord de régler leurs différends à l’amiable, plutôt que par le biais de procédures judiciaires. C’est donc une façon d’engager des discussions. De plus, la mise en demeure peut servir de point de départ au calcul de l’intérêt et de l’indemnité additionnelle qu’un juge doit accorder dans le cas où des procédures soient effectivement entreprises et qu’un jugement met fin au litige.


Pourquoi un rapport d’expertise est-il nécessaire? 

Dans un dossier de vices cachés, il appartient à la partie demanderesse de démontrer au tribunal, par prépondérance de preuve, que l’immeuble ou le bien vendu est affecté d’un vice, qu’il n’était pas visible ou apparent au moment de la vente, qu’il est grave ou qu’il affecte sérieusement l’utilité de l’immeuble ou du bien vendu et que ce vice existait au moment de la vente. 

Or, pour déterminer qu’un vice affecte un immeuble ou un bien, le tribunal repose sur le rapport ou le témoignage d’un expert en la matière qui viendra notamment confirmer, ou infirmer, l’existence d’un vice et certains autres critères nécessaires au recours. 

Bien que dans certains cas il puisse sembler clair, à première vue, qu’un bien est affecté d’un vice, il est tout de même nécessaire de procéder à une expertise puisque les règles de preuve devant les tribunaux prohibent le témoignage d’une personne non experte sur un sujet qui relève d’un champ d’expertise, comme c’est habituellement le cas en matière de recours pour les vices cachés.

À titre d’exemple, si un immeuble a un problème d’infiltration d’eau dans l’entre-toit, bien que ce soit peut-être clair que le problème provient de la toiture qui coule, il faudra tout de même faire expertiser la source d’infiltration d’eau afin de s’assurer de l’antériorité, de l’apparence du vice à la vente et de sa gravité, en plus de vérifier quelle en est la cause et les travaux correctifs requis.


Est-ce que j’ai plus de chances d’obtenir ce que je réclame si je fais les travaux moi-même?  

Que les travaux soient faits par vous-mêmes ou par un tiers n’a pas de véritable pertinence au niveau juridique. Dans les deux cas, il est avant tout essentiel que les travaux effectués soient ceux qui étaient véritablement nécessaires pour corriger le vice découvert et que ces travaux soient raisonnables.

Par contre, sachez que ce n’est pas parce que les travaux sont effectués par vous-mêmes que vous avez nécessairement plus de chances de vous faire accorder le coût de ces travaux ni que vous avez plus de chance de gagner votre dossier. Au contraire, la justification des travaux peut parfois être plus difficile puisque vous n’aurez pas un regard détaché face à la situation, comme vous y êtes personnellement impliqué.

De plus, dans le cas où vous faites les travaux par vous-mêmes, il est important que vous conserviez toutes les pièces justificatives à cet effet et que vous soyez en mesure de justifier chacune de ces factures. 

En fin de compte, à vouloir bien faire, il se peut que vous vous complexifiez finalement la vie. Cela dépend toutefois de vos connaissances en matière de construction et de vos intentions. Si vous souhaitez en profiter pour entreprendre des rénovations à vos frais et ne réclamer que les coûts rattachés à la correction du vice, cela peut être une option intéressante pour vous. C’est au cas par cas.


Quels sont les frais que je peux réclamer en cas de vices cachés?

Les frais qui peuvent être réclamés sont ceux qui sont directement rattachés à la correction du vice découvert. Le principe est que l’acheteur n’aurait pas donné si haut prix s’il avait connu l’existence du vice. Il a donc droit à une diminution du prix de vente, qui est généralement équivalente au coût des travaux correctifs qu’il aura à effectuer.

De plus, il faut y appliquer une dépréciation qui tient compte de l’état des lieux au moment de la découverte du vice, c’est-à-dire de l’usure cumulée au fil des années, avant la découverte du vice. Autrement dit, il faut que l’acheteur, une fois indemnisé par son vendeur, se retrouve dans la même position dans laquelle il se serait trouvé, n’eût été la découverte du vice. L’acheteur ne doit pas s’enrichir au détriment du vendeur.

Concrètement, cela veut notamment dire que vous ne pouvez pas réclamer des frais rattachés à une amélioration des lieux.

La maxime est, selon certaines personnes, plus ou moins exacte puisque, dans les faits, l’acheteur aura tout de même à payer dès maintenant pour une amélioration dont il aurait peut-être souhaité ne bénéficier que plus tard. Sur ce point, nous vous référons à la notion de dépréciation.

En plus des coûts des travaux correctifs, les honoraires des experts pourront également être réclamés. Dans certaines circonstances, notamment lorsque l’on peut démontrer que le vendeur connaissait le vice, mais qu’il nous l’a néanmoins caché, ou encore dans le cas de fausses représentations, il est également possible de réclamer un montant pour tous les troubles et inconvénients que nous cause la situation. Toutefois, ce montant est généralement peu élevé au Québec.

Le recours pourrait également se transformer en demande en nullité de la vente si les vices sont si importants qu’ils représenteraient des travaux dont le coût se rapprocherait trop du prix de vente payé par l’acheteur.


Puis-je obtenir une indemnité pour tout le temps que j’ai perdu et la perte de jouissance de mon immeuble?

En matière de vices cachés, la règle de base est que seule une diminution du prix de vente, corrélative aux coûts de la correction du vice peut être accordée à titre d’indemnisation.

Toutefois, dans les faits, il existe certains cas d’exception où vous pourriez également réclamer des montants à titre de dommages-intérêts, notamment pour la perte de jouissance de votre immeuble, le stress, la perte de temps, etc. Généralement, l’ensemble de ces postes de réclamation ne font qu’un et se qualifie de « pertes non-pécuniaires ».

Il est possible de réclamer un tel montant notamment lorsque votre vendeur avait connaissance du vice ou ne pouvait l’ignorer. C’est une démonstration dont vous aurez le fardeau de la preuve. Cela peut parfois se démontrer lorsque le vendeur a effectué des travaux de rénovation avant la vente et que tous les faits portent à croire qu’il devait nécessairement avoir connaissance du vice et qu’il en a fait fi, ou encore qu’il a été négligent en ne le constatant pas. Ce sont généralement des éléments de faits sur lesquels votre expert est appelé à se prononcer lorsque les faits d’un dossier portent à croire que le vendeur avait ou aurait dû avoir connaissance du vice. C’est aussi une démonstration qui peut être faite dans le cadre d’un interrogatoire préalable lorsque des procédures judiciaires sont intentées.

Il est également possible de réclamer des montants à titre de dommages-intérêts lorsque l’on reproche à notre vendeur un dol, soit de fausses représentations ou encore en cas de recours contre un entrepreneur ou son inspecteur préachat.

Dans tous les cas, gardez cependant à l’esprit que les montants accordés à ce titre sont généralement moins élevés que ce qui, dans l’esprit de bien des gens, représente une indemnisation juste de tous les inconvénients que peuvent leur avoir fait subir la découverte du vice. Qu’on soit en accord ou non avec cette réalité, c’est l’état actuel du droit québécois.

Même si votre perte de temps ne sera pas, en soi, indemnisée, il peut être pertinent de tenir un certain registre/historique de tout le temps investi dans les travaux liés à la correction du vice. En temps et lieu, si vous aviez à témoigner à la Cour, cela facilitera votre témoignage puisque vous aurez conservé un aide-mémoire de l’historique des faits.


Qu’est-ce que la dépréciation?

Nous l’avons dit en réponse à une autre question, le principe de base de l’indemnisation (dans tous types de recours civil) est que l’acheteur ne doit pas se trouver dans une situation d’enrichissement au terme de l’exercice d’indemnisation.

Dans le respect de ce principe de base, nos tribunaux tiennent généralement compte d’un taux de dépréciation qui s’applique à toute réclamation pour vices cachés, et parfois dans d’autres contextes d’indemnisation.

Prenons l’exemple suivant : si vous découvrez un vice caché affectant votre drain français de 10 ans d’usure, il est hautement probable qu’un tribunal ne vous accorde pas la totalité de la somme que vous réclamerez pour le remplacement complet du drain. C’est vrai que, n’eût été la découverte du vice, votre drain aurait probablement fait l’affaire encore 10 à 20 ans. Par contre, le juge doit tenir compte du fait qu’une fois les réparations effectuées, vous bénéficiez maintenant d’un nouveau drain, qui devrait être fonctionnel pour 20 à 30 ans. Ainsi, au terme de son analyse, le juge devrait réduire le montant réclamé pour les travaux correctifs de votre drain selon un calcul au prorata basé sur la durée de vie utile d’un drain.

La question de la durée de vie utile d’un bien relève plus souvent qu’autrement de l’opinion d’expert. Ainsi, votre expert sera généralement appelé à se prononcer sur le taux de dépréciation qu’un juge devrait appliquer pour chacun des postes de réclamation.

Dans certains cas, il peut d’ailleurs être judicieux de tenir compte dès le départ du taux de dépréciation applicable afin d’orienter votre stratégie en conséquence, notamment dans le cadre de discussions de règlement ou encore afin de déterminer à quel palier de tribunal vous adresserez votre réclamation (Division des petites créances, Cour du Québec, Cour Supérieure).


Puis-je également poursuivre mon inspecteur préachat s’il a fait défaut de noter des éléments qu’il aurait dû porter à mon attention?

Il arrive, dans certains cas, que l’expert appelé à se prononcer sur le vice découvert constate que celui-ci ne semble pas rencontrer les critères du vice caché en ce qu’il n’était justement pas « caché ». En effet, il arrive que l’expert soit d’avis qu’un inspecteur préachat prudent et diligent aurait pu et dû constater le vice ou encore qu’il y avait suffisamment d’indices qui auraient dû attirer son attention et l’amener à vous recommander une expertise additionnelle afin de valider l’état des lieux ou encore qui auraient dû l’amener à vous faire certaines recommandations additionnelles particulières.

Dans de tels cas, il y a bien évidemment un risque qu’un tribunal ne donne pas droit à un recours contre votre vendeur. En effet, sa responsabilité est limitée à celle du vice caché ou encore aux fausses représentations. S’il n’avait, lui non plus, aucune connaissance du vice et que celui-ci ne peut être qualifié de « caché », vous n’aurez malheureusement pas gain de cause.

Il est parfois nécessaire d’impliquer à votre recours votre inspecteur préachat qui, manifestement, a manqué à ses obligations lors de l’inspection préachat en ne constatant pas la présence de ces indices de vices et en ne vous faisant pas les recommandations appropriées.

De votre côté, vous aurez tout de même à démontrer que vous avez porté attention à ce que votre inspecteur préachat vous mentionnait à son rapport et que, s’il vous avait fait les recommandations nécessaires, vous les auriez appliquées ou encore vous n’auriez pas donné si haut prix pour l’immeuble. Il faut toujours se rappeler que l’acheteur a, en tout temps, sa propre obligation d’agir en acheteur prudent et diligent dans le cadre d’une transaction immobilière.

 
 

Suis-je obligé de retenir les services d’un inspecteur préachat?

Vous n’avez aucune obligation légale de retenir les services d’un inspecteur préachat préalablement à une vente. Vous avez toutefois l’obligation d’agir de manière prudente et diligente. Cela implique, au minimum, de ne pas faire une acquisition à l’aveuglette sans même effectuer une visite des lieux, ne serait-ce que par l’entremise d’un tiers.

Cette obligation peut également être nuancée selon l’âge de l’immeuble et l’information que vous recevez de la part du vendeur, notamment dans le cadre de la déclaration du vendeur.

Une chose est certaine, il est toujours souhaitable d’effectuer au moins une visite attentive de l’immeuble, c’est-à-dire où l’on concentre notre attention sur tout ce qui pourrait constituer des indices de problématiques (céramique craquée, plancher qui n’est pas de niveau, traces d’infiltrations d’eau antérieures, etc). Si vous constatez de tels indices, il devient alors nécessaire de retenir les services d’un expert afin de clarifier la situation. Autrement, vous achetez avec le risque qu’en cas de vice vous n’ayez aucun recours contre votre vendeur.

Évidemment, si vous n’êtes pas un professionnel en la matière, un tribunal n’exigera pas de vous plus que ce que vous devriez être en mesure de constater. Néanmoins, il faut faire cet examen des lieux avec attention et sérieux.

De plus, bien qu’une inspection préachat représente des frais, elle en vaut souvent la peine. Cela peut vous aiguiller sur certains éléments d’entretien futurs de l’immeuble afin d’éviter une détérioration anticipée. L’inspecteur peut également porter à votre attention des éléments que vous n’auriez autrement pas notés et vous éviter des problèmes à plus long terme.

Il vaut parfois mieux prévenir que guérir, tout est question de gestion du risque! Si vous retenez les services d’un inspecteur, il est préférable d’en choisir un qui fait partie d’une association et qui détient une assurance responsabilité.

[1] Article 1739 C.c.Q.

[2] SG2C inc. c. Morin, 2014 QCCS 2269